Favoriser l’accès au travail temporaire des seniors

La France a toujours considéré l’emploi des seniors sous un prisme paradoxal : si le taux d’emploi des seniors s’est redressé ces dernières années (+13,9 points de 2007 à 2018 pour les 55 à 64 ans), principalement sous l’effet des règles de départ en retraite, la transformation culturelle semble avoir peu progressé. La « préférence collective » des employeurs et des salariés pour les départs anticipés est toujours bien visible, et si les seniors sont souvent plus longtemps en emploi, l’idée qu’un déclin intervient inévitablement en cours de vie professionnelle semble encore très partagée.

Or dans ce contexte, le travail temporaire fait figure d’exception. S’il est souvent présenté comme un moyen pour les jeunes de rejoindre le marché du travail, la réalité de son impact sur les carrières plus seniors est moins connu. En effet, si le profil type de l’intérimaire est toujours un homme de moins de 35 ans, la part de plus de 45 ans n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années pour atteindre 19% des salariés du secteur en 2018.

Il s’agit pour l’essentiel d’hommes, avec une forte intensité d’emploi qui ne diminue pas avant l’âge de 60 ans. Ainsi, le nombre d’heures de travail moyen par intérimaire entre 50 et 59 ans est d’environ 650 heures. Il est seulement de l’ordre de 520 heures pour la tranche d’âge de 25 à 29 ans et de 420 heures pour celle des 22-24 ans. Tous âges confondus, la moyenne globale est un peu supérieure à 500 heures.

Ainsi, dans un contexte où l’allongement des carrières apparaît indiscutable pour restaurer l’équilibre des régimes de retraites, le secteur de l’intérim offre de nombreux avantages aux seniors. En ménageant des possibilités d’organisation plus souples, le travail temporaire peut répondre à une multiplicité de besoins individuels.

Grâce aux nombreuses agences d’emploi présentes sur le territoire et à leur expertise, le secteur du travail temporaire est en mesure d’apporter aux plus de 50 ans une véritable personnalisation des services et une flexibilité des offres en faveur de leur maintien dans l’emploi. En facilitant le recrutement de seniors en intérim, les entreprises de travail temporaires permettent aux entreprises utilisatrices de satisfaire des besoins liés à des projets ponctuels pour des emplois parfois difficiles à pourvoir car nécessitant beaucoup d’expérience.

En outre, les mécanismes de sécurisation des parcours mis en place par la branche répondent “clé en main” à des problématiques importantes pour les seniors. Ainsi, la portabilité des droits des employés intérimaires, l’importance accordée à la formation professionnelle, ou le bénéfice des régimes de frais de santé et de prévoyance de la branche, sont autant d’arguments attractifs pour les seniors et qui les encouragent à rester actifs.

Sept propositions pour améliorer encore l’attractivité du travail temporaire pour les seniors

Dans cette perspective, il est nécessaire de permettre au secteur du travail temporaire de toujours mieux accompagner les seniors dans la poursuite de leur parcours professionnel. Prism’emploi formule ainsi sept propositions pour améliorer l’attractivité du travail temporaire pour les seniors et pour les entreprises, en assouplissant le recours à l’intérim, et en renforçant le rôle des agences pour maintenir et développer l’employabilité des plus de 50 ans.

Proposition n°1 : Abandonner le principe de limitation de la durée des missions pour les plus de 50 ans

Pour favoriser le maintien dans l’emploi des plus de 50 ans jusqu’à la retraite, Prism’emploi propose de porter la durée maximale de leurs missions, qu’elles soient en contrat de travail temporaire ou dans le cadre d’un CDI intérimaire, de 18 à 36 mois.

Proposition n°2 : Supprimer le délai de carence pour les plus de 50 ans

Nous estimons que le « délai de carence », égal au tiers ou à la moitié de la durée du contrat d’intérim arrivé à expiration, fait peser un risque inutile sur les intérimaires et tout particulièrement sur ceux dont l’objectif est d’atteindre l’âge de la retraite. Nous proposons donc de le supprimer pour les seniors, afin de faciliter la succession de missions.

Proposition n°3 : Créer un cas de recours à l’intérim tenant compte des attentes et des besoins des seniors

En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait créé un cas de recours spécifique destiné à favoriser l’emploi des personnes handicapées. Pour faciliter l’accès à l’emploi pour les plus de 50 ans, nous proposons de créer également un cas de recours à l’intérim adapté aux seniors. Il permettrait aux professionnels des agences d’emploi de proposer aux plus de 50 ans des services encore plus adaptés à leurs attentes et à leurs besoins. Les seniors pourraient ainsi bénéficier de services RH spécifiques et d’un statut sécurisant, en plus d’être accompagnés dans leurs recherches de mission et de profiter de « l’effet réseau ». Cette proposition s’inscrit pour Prism’emploi dans la continuité de la création du CDI inclusion pour les publics seniors de plus de 55 ans sans solution, puisqu’elle permettrait de mobiliser des aides à l’accompagnement adaptées pour les bénéficiaires du CDI Inclusion.

Proposition n°4 : Mutualiser des coûts de maladie et des accidents de travail pour les seniors

De manière générale, les seniors sont les plus exposés au risque de maladies, et subissent des conséquences financières plus lourdes en cas d’accident du travail. Ce risque est largement dissuasif pour les employeurs, qui redoutent à juste titre les effets négatifs du passé professionnel des plus de 50 ans et pèse donc sur les opportunités de retour à l’emploi de ces derniers. Pour lever cet obstacle, nous proposons de mutualiser automatiquement le coût des maladies professionnelles concernant les salariés seniors via un compte spécial de la CNAM.

Proposition n°5 : Mettre en œuvre des dispositifs pilotés par les ETT pour l’accompagnement des seniors au chômage

Pour remédier au manque d’efficacité relative des dispositifs d’accompagnement des seniors, les entreprises du travail temporaire pourraient promouvoir des actions territoriales de façon plus coordonnée et proposer aux seniors des formations adaptées aux besoins des marchés du travail locaux. Prism’emploi souhaiterait renforcer la coopération et les partenariats avec le service public de l’emploi en vue de mettre en œuvre un plan d’action pour la formation des seniors.

Proposition n°6 : Éviter aux seniors de passer par la « case chômage »

L’éloignement de l’âge du départ à la retraite entraine une hausse significative du chômage des plus de 50 ans, dont la probabilité de retrouver un emploi en cas de licenciement ou de plan social est particulièrement faible. Nous proposons donc d’intervenir en amont en adaptant la réglementation pour renforcer le rôle des agences d’emploi. Ces dernières pourraient intervenir régulièrement auprès des entreprises, et coordonner des actions d’évaluation, de formation et de reclassement internes pour des personnes en poste afin de réduire le risque de licenciement ou faciliter un reclassement s’il était nécessaire.

Proposition n°7 : Renforcer la professionnalisation de la sélection

Certaines pratiques managériales peuvent être, y compris involontairement, discriminatoires. L’opacité des processus de recrutement, qui ne se fondent pas toujours uniquement sur les compétences, peut aussi constituer une réelle barrière à l’accès à l’emploi pour les seniors. Nous souhaitons donc aider les entreprises à améliorer leurs processus de recrutement pour cette catégorie de demandeurs d’emploi. Cela pourrait se matérialiser au travers des partenariats noués par Prism’emploi.

Isabelle Eynaud-Chevalier
Isabelle Eynaud-Chevalier
Isabelle Eynaud-Chevalier est la Déléguée générale de Prism'emploi.

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