Dans cette tribune, World Employment Confederation-Europe défend l’idée que ces plateformes ne sont pas une nouvelle forme de travail mais seulement une nouvelle façon de l’organiser et que les principes de droit qui les régissent existent déjà et doivent donc être respectés.
Prism’emploi est membre de la World Employment Confederation.
Plateformes d’emploi : un jeu d’équilibrisme entre innovation technologique et protection des droits des travailleurs
La technologie a bouleversé de nombreuses facettes de nos vies, y compris la façon dont nous travaillons. La digitalisation et l’automatisation ont transformé le concept traditionnel de lieu de travail permettant à chacun de choisir plus librement quand et comment travailler.
Le foisonnement de plateformes numériques observé ces dernières années permet aux actifs de travailler dans de multiples secteurs allant de la livraison et du transport à des services entre professionnels.
Il convient de saluer cette innovation technologique, mais sa rapide expansion peut conduire à reléguer les lois et réglementations existantes. L’économie des plateformes n’a pas échappé au phénomène ce qui a donné lieu à un débat acharné entre les représentants syndicaux, les fonctionnaires, les politiciens et les travailleurs eux-mêmes. Les conflits juridiques très médiatisés, comme celui relatif à la classification des travailleurs d’Uber, ont monopolisé l’attention des médias et inscrit ce sujet à l’agenda politique. En conséquence, il n’est pas surprenant que la Commission Européenne ait entrepris de lever l’ambiguïté juridique actuelle et de créer un cadre pour le travail via les plateformes dans l’UE.
La publication de la proposition de directive de la Commission sur le travail de plateforme en décembre dernier a été saluée par beaucoup, et considérée comme une étape cruciale pour permettre à l’économie de plateforme une croissance durable. Bien que notre secteur d’activité soutienne l’initiative de la Commission, certains sujets de la proposition méritent d’être traités pour garantir un résultat gagnant-gagnant, tant pour les plateformes que pour les travailleurs.
Tout d’abord, il convient de définir ce qu’est le travail via les plateformes. Beaucoup le caractérisent comme une nouvelle forme de travail. Cependant, ne perdons pas de vue qu’une grande partie de l’économie des plateformes consiste seulement à réorganiser notre façon de travailler, le travail et le droit qui le régit étant préexistants à l’émergence des plateformes.
Les plateformes favorisent diverses manières d’organiser le travail qui peuvent contribuer à l’inclusion sociale en élargissant au plus grand nombre l’accès au marché du travail pour valoriser leur talent.
L’une des questions clés au cœur de la proposition de la Commission concerne la classification des travailleurs. Selon la Commission, près de 5,5 millions de personnes sont actuellement classifiées de manière incorrecte. Cependant, la solution ne réside pas uniquement dans la présomption d’emploi salarié. La diversité au sein de l’économie de plateforme mérite une approche réfléchie et modulable de la classification du travail. Le risque étant que les véritables travailleurs indépendants soient injustement privés de leurs droits.
Créer des conditions de concurrence loyales et équitables avec les plateformes est un objectif louable de la proposition. En effet, nous devons veiller à ce que les prestataires de solutions de travail flexibles, telles que les entreprises de travail temporaire, puissent continuer à offrir des emplois flexibles aux travailleurs qui ne s’inscrivent pas dans le concept traditionnel de travail.
Lors d’une récente table ronde du Parlement Européen en présence de la députée européenne Elisabetta Gualmini, la nécessité d’une réglementation équilibrée des plateformes numériques de travail a été soulignée. Un tel cadre permettrait à l’économie des plateformes de se développer tout en garantissant la protection sociale des personnes qui travaillent et fournissent des services par leur intermédiaire. Bien qu’il y ait un consensus sur le fait que les algorithmes et la prise de décision automatisée jouent un rôle important dans l’intermédiation des plateformes numériques, il a également été noté que la prochaine règlementation de l’UE sur l’Intelligence Artificielle (IA) et le règlement général sur la protection des données (RGPD) devraient être pris en compte pour assurer la cohérence entre les cadres juridiques. Il a également été souligné que la création de conditions de concurrence équitables ajouterait de la valeur aux services des intermédiaires de l’emploi traditionnels et aux plateformes numériques, tout en garantissant que les travailleurs eux-mêmes en bénéficient.
Le débat sur la réglementation des plateformes en Europe devrait s’intensifier avec le rapport de la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL) du Parlement européen, attendu en mai, et la position du Parlement européen qui devrait être adoptée d’ici la fin de l’année. Il est essentiel que nous parvenions à trouver le juste équilibre entre l’innovation et la garantie d’une protection adéquate pour les travailleurs qui naviguent sur un marché du travail de plus en plus complexe et en constante évolution.
Le travail via les plateformes mérite mieux que d’être assimilé au travail à la tâche et nous avons la possibilité de créer un marché du travail innovant, porté par les nouvelles technologies, qui garantisse un traitement équitable pour les travailleurs.
Accéder au texte original publié en anglais sur le site euractiv.com
Les auteurs
Menno Bart est membre du comité exécutif de la Confédération mondiale de World Employment Confederation-Europe. Le Dr Michael Freytag est responsable des affaires publiques à la World Employment Confederation-Europe.