Le secteur de l’intérim a cumulé à lui seul près de 50 000 accidents du travail (AT) en 2021 et 45 650 en 2022, dont 52 accidents mortels et 31 dans le seul secteur du BTP. Cela signifie qu’en moyenne, un salarié intérimaire décède chaque semaine dans l’exercice de sa mission. Il s’agit d’une situation inacceptable ! Je mène depuis longtemps, aux côtés de notre conseil d’administration, ce combat sans concession pour obtenir une implication et une responsabilisation plus importantes des entreprises utilisatrices. Aussi, c’est avec une grande satisfaction que je salue la publication du décret du 5 juillet 2024, qui officialise le partage à parts égales du coût des accidents du travail et maladies professionnelles entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices. Ce décret constitue une avancée significative dans l’amélioration de la santé et de la sécurité des salariés intérimaires, une priorité historique pour la branche du travail temporaire.
Par Gilles Lafon, Président de Prism’emploi
La sécurité au travail est un enjeu de santé publique qui nécessite des moyens importants pour améliorer réellement la prévention.
En faisant de la prévention des accidents du travail une priorité nationale, accompagnée de campagnes de sensibilisation, d’une réglementation plus stricte, d’incitations financières et de services de santé spécifiques1, le gouvernement inscrit à juste titre cette initiative dans une démarche de santé publique.
Cette vision globale contribue ainsi à mobiliser l’ensemble des acteurs du travail, dans une démarche de co-construction responsabilisante pour tous. Cette volonté louable méritait cependant qu’on lui octroie des moyens à la hauteur de ses ambitions.
Depuis plus de 20 ans, à l’initiative de notre syndicat, le travail temporaire a signé cinq conventions sectorielles et continue d’œuvrer en faveur de la prévention des risques, à travers la mise en place de formations (CACES, habilitation électrique, FIMO/FCO, nucléaire, sécurité routière…) et l’identification des secteurs d’activité dans lesquels les salariés intérimaires sont le plus exposés aux accidents du travail, avec notamment, en 2008, la mise en place d’un indicateur de branche de suivi des AT dans les secteurs utilisateurs.
Bien qu’ayant contribué à la prévention des accidents du travail, ces mesures n’ont malheureusement pas permis de réduire drastiquement leur fréquence. En effet, pour être pleinement efficace, la prévention doit être un objectif partagé par tous : les agences d’emploi naturellement, mais aussi les salariés eux-mêmes et surtout les secteurs utilisateurs de salariés intérimaires, sous la double impulsion des pouvoirs publics et de Prism’emploi.
Rompre avec l’externalisation des risques est possible grâce à un partage des coûts plus responsabilisant !
Tous secteurs confondus, les salariés intérimaires sont deux fois plus touchés par les accidents graves et 2,5 fois plus par les accidents mortels que les salariés des entreprises dans lesquels ils sont délégués. L’analyse approfondie des statistiques de la CNAM a fait apparaître que les postes plus exposés sont souvent confiés aux salariés temporaires, alors qu’ils sont potentiellement moins bien informés, formés, accueillis et accompagnés tout au long de leur mission.
En vertu du décret du 5 juillet 2024, désormais, les coûts des AT/MP seront répartis à parts égales entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices, contre une répartition actuelle de 2/3 pour les ETT et 1/3 pour les EU pour les accidents graves et mortels. De plus, cette répartition ne se limite plus aux seuls accidents graves (incapacité permanente supérieure ou égale à 10 %) et mortels, mais s’étend à tous les accidents du travail.
Sur le plan financier, cette mesure pourrait produire ses premiers effets lors du calcul des taux de cotisation de 2026 et serait pleinement effective à partir du calcul des taux de cotisation de 2028.
Dans la continuité des investissements déjà déployés par la branche, les économies réalisées par cette réforme permettraient de financer de nouvelles actions de prévention et de maintien dans l’emploi après un accident, et le renforcement de la formation des salariés permanents des ETT et des salariés intérimaires, conjointement avec les entreprises utilisatrices. Chaque année, nous investissons d’ores et déjà plus de 600 millions d’euros pour former les salariés intérimaires, favoriser leur adaptation aux évolutions sectorielles et garantir leur sécurité, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Au plus près du terrain, au lieu même de l’exercice des missions, il est vital que les entreprises et leurs branches se mobilisent, aux côtés de tous les acteurs de notre secteur. Cette nouvelle répartition doit permettre aux entreprises utilisatrices et ETT de coconstruire de nouveaux dispositifs afin d’éviter des drames qui ne sont pas une fatalité !
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