Une diminution de 20% des allègements de charges entraînerait la suppression de 16 000 emplois intérimaires

Prism’emploi a confié à l’institut Xerfi, une étude sur l’impact de la réduction des allègements de charges sur le marché du travail temporaire. Laurent Frelat, Directeur général chez Xerfi Specific, répond aux questions de Prism’emploi.
Quel a été l’objectif principal de l’étude menée sur l’impact des allègements de charges sociales dans le secteur de l’intérim ?

Elle avait pour objectif de mesurer l’apport des allègements de charges au modèle économique de l’intérim et d’évaluer le choc financier et social qu’entraînerait leur réduction. Elle visait en outre à analyser les effets d’éventuels aménagements de la politique d’allègements sur la sécurisation des parcours des intérimaires.


Dans quelle mesure, selon vous, ces allègements ont-ils contribué ces dernières années au développement des emplois de premier niveau de qualification ?

En réduisant le coût du travail sur les bas salaires, ils ont encouragé les entreprises à embaucher ou à conserver les emplois peu qualifiés. Cette contribution est particulièrement visible dans le travail temporaire, dont 85 % de la masse salariale des intérimaires sont inférieurs à 1,6 SMIC. Ces exonérations ont donc soutenu l’essor de l’intérim.

Quel serait l’impact d’une remise en cause de ces allègements sur l’emploi intérimaire ?

Une diminution de 20 % des exonérations sur les plus bas salaires pourrait entraîner la perte de 13 000 emplois dans les dix principaux secteurs clients et un surcoût d’environ 770 millions d’euros du prix des prestations d’intérim. Dans un scénario plus large d’allègements appliqués à l’ensemble de la masse salariale, ce sont près de 16 000 postes qui seraient menacés.

Vous indiquez dans l’étude que ces allègements de charges profitent en premier lieu aux secteurs utilisateurs. Quels sont les secteurs concernés et comment ce soutien fonctionne-t-il dans la pratique ?

Ce sont les secteurs comme l’agro-alimentaire, le BTP, les industries de transport, la plasturgie, la métallurgie ou encore la chimie qui emploient une part importante de salariés au niveau du SMIC et qui bénéficient logiquement d’un taux d’exonération plus élevé. En pratique, les entreprises de travail temporaire (ETT) rétrocèdent les avantages de ces allègements à leurs clients via des baisses de tarifs. Les marges très faibles des sociétés d’intérim (moins de 3 % de taux d’EBE en moyenne en 2022) montrent bien qu’elles ne captent pas ces exonérations.

Quels seraient les risques d’une remise en cause des allègements en matière de formation des salariés intérimaires ?

Le secteur de l’intérim contribue à la formation professionnelle à hauteur de 3,35 % de sa masse salariale, soit plus du double de l’obligation légale. Selon les dirigeants des ETT interrogés, un tel niveau d’investissement aurait été impossible en l’absence
des allègements de charges. Leur remise en cause compromettrait la montée en compétence des publics les plus fragiles et la satisfaction des besoins des entreprises en personnels qualifiés.

La politique d’allègement des charges est également vitale à la pérennité des ETT. Quelles seraient, selon vous, les conséquences de la disparition du réseau des 12 000 agences d’emploi sur le marché du travail ?

Les entreprises clientes seraient tentées de se tourner vers des formes d’emploi moins encadrées.

Ce serait, en outre, la fin de ces intermédiaires de proximité qui connectent l’offre et la demande de travail localement et participent au développement des compétences dans chaque bassin d’emploi.

Quelles sont les principales pistes formulées pour améliorer l’efficacité économique et sociale des allègements ?

La première consisterait à rétablir une équité avec le régime général, en excluant les indemnités de fin de mission et des congés payés de l’assiette de calcul des allègements. Une autre piste d’amélioration consisterait à simplifier les dispositifs existants
en fusionnant l’allègement maladie-famille avec la réduction générale de cotisation en étendant cette dernière au seuil de 2,5 SMIC.

Enfin, pourquoi ne pas conditionner l’octroi d’une partie de ces allègements à des pratiques socialement responsables, comme la mise en place de contrats plus stables (CDI intérimaires) ou des investissements dans la formation au-delà des obligations légales ?

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Laurent FRELAT
Laurent FRELAT
Avec 30 ans d'expérience en cabinet d'études dont 6 ans chez Xerfi, Laurent FRELAT est aujourd'hui le Directeur général de Xerfi Specific. Son groupe accompagne chaque année une cinquantaine de clients, tous secteurs confondus, dans la réalisation d'études et le pilotage de baromètres.

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