Bruno Coquet et Eric Heyer ont mené pour Prism’emploi une étude macroéconomique sur les déterminants du recours à l’intérim. Bruno Coquet répond aux questions de Prism’emploi pour présenter les enseignements de cette étude.
Pour l’étude réalisée pour Prism’emploi sur les déterminants de l’évolution de l’intérim, quelle démarche méthodologique avez-vous adoptée ?
Nous avons travaillé sur la période de 2000 à 2025 en commençant par identifier les déterminants du recours à l’intérim les plus connus (PIB, emploi…), d’autres plus intuitifs (microentreprises, travail détaché, tensions de recrutement…), ou ceux cités dans le débat public (enquêtes de conjoncture, apprentissage…). Nous avons ensuite recherché si une relation robuste existait entre chacun de ces déterminants potentiels et le recours à
l’intérim dans 11 secteurs d’activité. Enfin, nous avons construit un modèle de prévision afin d’avoir une visibilité sur l’évolution à court terme de l’emploi intérimaire.
Êtes-vous en mesure d’identifier les facteurs qui influencent à la hausse comme à la baisse l’évolution de l’emploi intérimaire ?
Nous montrons que l’intérim n’est plus un indicateur avancé de la situation de l’emploi : ses évolutions sont contemporaines de la conjoncture du marché du travail. C’est principalement la croissance de l’emploi dans les entreprises utilisatrices qui en stimule l’usage, la durée du travail des salariés permanents des EU, le chômage ou les emplois vacants ou le recours aux CDD courts ayant une influence négative. Citons aussi les microentreprises, qui le concurrencent fortement, et à un degré moindre le travail détaché. Les politiques de l’emploi (apprentissage, activité partielle) ont également un effet défavorable mais plus marginal.
Pour la troisième année consécutive, l’intérim connaît un repli. Quelle est votre analyse ?
Il décroît en effet mais l’emploi intérimaire demeure encore à un niveau élevé par rapport à sa moyenne historique. Cette évolution est cohérente avec l’environnement économique sur cette période, la croissance de l’emploi ayant plafonné avant de se retourner. Ce qui est inhabituel, c’est le décrochage du chiffre d’affaires de l’intérim par rapport à celui des services aux entreprises depuis 2023 : l’intérim représente une plus faible part des achats de services des entreprises, sans explication évidente.
Vous avez modélisé l’évolution de l’emploi intérimaire en fonction de plusieurs variables explicatives. Que nous indique ce modèle quant aux perspectives d’évolution du secteur ?
Ce modèle permet de quantifier le recours à l’intérim à partir de son niveau récent et des prévisions de PIB et d’emploi des instituts de conjoncture. Il fournit une estimation fiable du nombre d’emplois intérimaires dans les trimestres à venir, même s’il reste bien sûr dépendant de la justesse des données de comptabilité nationale et des prévisions des instituts. Au regard du consensus actuel, il anticipe un ralentissement de la baisse de l’intérim à court terme et une stabilisation d’ici la fin 2025.

