Les accidents du travail ne sont pas une fatalité !

Le secteur de l’intérim a cumulé à lui seul près de 50 000 accidents du travail (AT) en 2021 et 45 650 en 2022, dont 52 accidents mortels et 31 dans le seul secteur du BTP. Cela signifie qu’en moyenne, un salarié intérimaire décède chaque semaine dans l’exercice de sa mission.
Il s’agit d’une situation inacceptable !
Aussi, je mène depuis longtemps, aux côtés de notre conseil d’administration, un combat sans concession pour obtenir une implication et une responsabilisation plus importantes de la part des entreprises utilisatrices grâce à des conditions plus équitables de prise en charge des coûts des AT.
Par Gilles Lafon, Président de Prism’emploi
La sécurité au travail est un enjeu de santé publique qui nécessite des moyens importants pour améliorer réellement la prévention.

En faisant de la prévention des accidents du travail une priorité nationale, accompagnée de campagnes de sensibilisation, d’une réglementation plus stricte, d’incitations financières et de services de santé spécifiques1, le gouvernement inscrit à juste titre cette initiative dans une démarche de santé publique.

Cette vision globale contribue ainsi à mobiliser l’ensemble des acteurs du travail, dans une démarche de co-construction responsabilisante pour tous. Cette volonté louable mérite cependant qu’on lui octroie des moyens à la hauteur de ses ambitions.

Depuis plus de 20 ans, à l’initiative de notre syndicat, le travail temporaire a signé cinq conventions sectorielles et continue d’œuvrer en faveur de la prévention des risques, à travers la mise en place de formations (CACES, habilitation électrique, FIMO/FCO, nucléaire, sécurité routière…) et l’identification des secteurs d’activité dans lesquels les salariés intérimaires sont le plus exposés aux accidents du travail, avec notamment, en 2008, la mise en place d’un indicateur de branche de suivi des AT dans les secteurs utilisateurs.

Bien qu’ayant contribué à la prévention des accidents du travail, ces mesures n’ont malheureusement pas permis de réduire drastiquement leur fréquence. En effet, pour être pleinement efficace, la prévention doit être un objectif partagé par tous : les agences d’emploi naturellement, mais aussi les salariés eux-mêmes et surtout les secteurs utilisateurs de salariés intérimaires, sous la double impulsion des pouvoirs publics et de Prism’emploi.

Rompre avec l’externalisation des risques est possible grâce à un partage des coûts plus responsabilisant !

Dans les secteurs très accidentogènes, les taux de fréquence ou de gravité des salariés intérimaires sont deux fois supérieurs à ceux des salariés permanents des entreprises utilisatrices. Le BTP par exemple, est à lui seul responsable de plus de la moitié des accidents mortels (65 % en 2022) parmi les salariés intérimaires.

Le rôle des entreprises utilisatrices dans cette surexposition n’est plus à démontrer : comme le constatait le Ministère du Travail, les secteurs qui présentent les environnements de travail les plus dangereux tendent à « sous-traiter » les risques professionnels aux salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire. L’analyse des statistiques de la CNAM fait apparaître que les postes plus exposés sont souvent confiés par les entreprises utilisatrices aux salariés intérimaires, alors qu’ils sont potentiellement moins bien informés, formés, accueillis et accompagnés tout au long de leur mission.

Cette externalisation du risque au détriment des salariés intérimaires est la conséquence directe de la répartition du coût des accidents du travail : hormis pour les accidents graves ou mortels pour lesquels un tiers du coût est pris en charge par les entreprises utilisatrices, ce sont les agences d’emploi qui assument seules les coûts des AT.

Pour renforcer le travail engagé par notre organisation, il me semble donc indispensable de mettre en place un partage plus responsabilisant de ces coûts avec les entreprises utilisatrices. Dans la continuité des investissements de la branche, les économies ainsi réalisées seraient réinvesties dans la prévention, la formation et l’accompagnement des salariés intérimaires après un accident.

Dans le secteur du travail temporaire, la formation est essentielle pour prévenir les accidents du travail. Chaque année, nous investissons plus de 600 millions d’euros pour former les salariés intérimaires, favoriser leur adaptation aux évolutions sectorielles et garantir leur sécurité, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Et au plus près du terrain, au lieu même de l’exercice des missions, il est vital que les entreprises et leurs branches se mobilisent davantage, aux côtés de tous les acteurs de notre secteur, pour éviter des drames qui ne sont pas une fatalité !

1 https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/stop-aux-accidents-du-travail-graves-et-mortels/article/le-role-des-acteurs-de-la-sante-au-travail-face-aux-risques-professionnels

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Gilles Lafon
Gilles Lafon
Gilles Lafon est président de Prism'emploi.

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