Depuis 2015, on constate le développement de plateformes numériques d’emploi, dont certaines font le choix de se créer sous le statut d’entreprises de travail temporaire.
Parallèlement, se sont développées d’autres plateformes qui mettent en relation des micro-entrepreneurs avec des entreprises en recherche de main d’oeuvre. Prism’emploi dénonce un contournement de la réglementation du travail temporaire d’une part et d’autre part, un dévoiement du statut de micro-entreprise. En effet, trop souvent, des micro-entrepreneurs interviennent sous la direction et le contrôle d’une entreprise cliente, dans des conditions de subordination qui relèvent du statut de salarié. La plateforme organisant l’intermédiation agit en réalité comme une agence d’emploi. Elle s’affranchit des cotisations patronales. Seules sont collectées les cotisations de la micro-entreprise qui n’assurent pas au micro-entrepreneur un statut social complet et protecteur comme celui du salarié intérimaire dont il devrait bénéficier.
Un business model qui repose sur le dumping social
Le modèle des plateformes d’intermédiation remet en cause les bases de notre modèle social. Les plateformes dégagent leurs bénéfices au détriment de la collectivité, puisqu’elles font peser sur la solidarité nationale les coûts des accidents du travail notamment. Ce modèle socialement moins-disant prive ainsi la collectivité des cotisations sociales et des impôts qui financent les régimes de protection sociale : maladie, accidents du travail, assurance-chômage et vieillesse et exposent des personnes à des risques mal couverts dans l’exercice de leur activité professionnelle.
De quels emplois s’agit-il ?
Cette économie numérique crée-t-elle des emplois et si oui, de quels types ? Ces emplois auraient-ils existés sans le recours au statut de micro-entrepreneur imposé par les plateformes ?
Avec la crise sanitaire, l’essor des services de livraison ont suscité une prise de conscience collective des conditions de travail et de rémunération des travailleurs des plateformes. Au-delà des livreurs à vélo des métropoles et des chauffeurs VTC, tous les secteurs économiques ont progressivement recours à ces pratiques : la restauration, la logistique, le commerce et la distribution, le BTP, le service à la personne… souvent pour des postes à faible qualification, intégrés de façon étroite et permanente à une communauté de travail (planning et pointage, supervision, uniforme de travail, process …).
En France, suite au rapport Frouin publié en décembre 2020, la nécessité d’organiser un dialogue social pour renforcer la protection des travailleurs des plateformes de mobilité a conduit le gouvernement à mettre en place l’ARPE, l’autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.
Une réglementation européenne
Le projet de directive européenne présenté le 9 décembre 2021 apporte des pistes de réflexion. En effet, le texte pose le principe de la présomption de salariat et rappelle le cadre juridique du travail intérimaire dans son exposé des motifs : « étant donné la relation contractuelle généralement triangulaire dans le contexte du travail via une plateforme, cette directive [la directive sur le travail intérimaire] peut être pertinente en la matière. Selon son modèle commercial et selon que ses clients sont des particuliers ou des entreprises, une plateforme de travail numérique pourrait être considérée comme une entreprise de travail intérimaire qui met ses travailleurs à la disposition d’entreprises utilisatrices ». Ce projet de directive pose les bases d’une classification des plateformes numériques par secteur d’activité, contribuant à la régulation de ces places de marché.
Prism’emploi LeBlog, donne la parole à Grégoire Loiseau, Professeur de droit social à l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne, qui apporte son éclairage sur ce projet de directive.